Une question nous intéresse particulièrement : il s’agit de comprendre le rapport des éleveurs à la question de l’abattage de leurs bêtes. Tantôt stigmatisés car régulièrement accusés de les produire dans le seul but de leur donner la mort, tantôt isolés et incompris du plus grand nombre car le parcours des animaux se termine inexorablement à l’abattoir…
Par prolongement, la question bascule rapidement sur l’éthique : A-t-on le droit moral de produire des animaux pour les tuer ? Philosophes, penseurs, éthologues, scientifiques, associations posent régulièrement cette question.
Le livre blanc collectif « Pour une mort digne des animaux » que nous évoquions dans ce blog, est un recueil inédit de la voix de ces éleveurs confrontés à l’abattage de leurs animaux : comment vivent-ils la mort de leurs cochons, vaches et agneaux ? Comment souhaitent-ils, pour la plupart, accompagner jusqu’au bout leurs bêtes ? Comment assumer cette mort ?
Après avoir lu ce livre, on envisage la question différemment et on se demande dans quelle mesure l’agriculteur ne serait pas le seul individu légitime à pouvoir donner la mort à ses animaux ?
Au-delà des débats philosophiques et éthiques, nous pensons que la voix des éleveurs gagne à être portée et entendue.
Ainsi, nous souhaitions ce jour vous inviter à découvrir le témoignage de Thierry Schweitzer, paysan éleveur qui s’était exprimé en 2012 dans les pages du blog du Huffington Post sur cette question.
Le post se nommait « Je mène mes animaux à l’abattoir ». Un témoignage rare et intense dont nous partageons ici quelques passages :
« L’abattage des animaux d’élevage se fait de nos jours quasi exclusivement de façon industrielle pour des raisons économiques : c’est la forme d’abattage qui coûte le moins cher. Que mon élevage soit bio ou non, industriel ou artisanal, mes animaux finiront dans ces grosses machineries où le travail à la chaine est de rigueur. Faut-il le regretter ? Peut-être, mais blâmer les gens qui y travaillent, non. Ces outils sont le fruit de notre volonté à nous, consommateurs, dans notre recherche du toujours moins cher. Nous donnons comme tâche à ces femmes et ces hommes, souvent dans des conditions difficiles, de faire pour nous ce que nous ne voulons pas voir.
Je suis éleveur, je mène mes animaux à l’abattoir et je veux vous parler de mes frustrations imposées par les règles économiques : toujours plus d’animaux, toujours plus vite, jamais le temps, toujours moins cher. Dans ce contexte de massification il me parait illusoire, voir futile, de parler de la mise à mort de l’animal alors même que nous n’avons pas parlé de sa vie. Comment aborder ces dernières secondes de vie sans aborder la vie elle-même ? «
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