Ce témoignage a été de nombreuses fois relayé par les défenseurs de la cause animale. Personnellement, l’intensité du récit et de la réalité décrite nous encouragent à poursuivre notre combat afin que chaque animal mené à l’abattoir soit traité dignement et dans l’absence de toute souffrance.
Morceaux choisis du récit du témoignage d’une étudiante en médecine vétérinaire en stage dans un abattoir.Vécu et écrit par Christiane M. Haupt.
« C’est vrai que je voudrais raconter qu’il arrive toujours qu’au milieu de ces montagnes visqueuses et sanguinolentes se trouve un utérus gravide, et que j’ai vu des petits veaux déjà tout formés, de toutes les tailles, fragiles et nus, les yeux clos, dans une enveloppe utérine qui n’est plus en mesure de les protéger- le plus petit aussi minuscule qu’un chat nouveau-né, et quand même une vache en miniature, le plus grand au poil tendre et soyeux, d’un blanc cassé, avec de longs cils autour des yeux, dont la naissance devait avoir lieu quelques semaines plus tard. « Est-ce que ce n’est pas un miracle, ce que la nature crée ? » constate le vétérinaire de service cette semaine-là, en jetant l’utérus avec le fœtus ensemble dans le gargouillant moulin à déchets. J’ai maintenant la certitude qu’aucun dieu ne peut exister puisqu’aucun éclair ne vient du ciel pour punir tous ces forfaits commis ici-bas, et que ceux-ci se perpétuent interminablement. Ni pour soulager la vache maigre et pitoyable qui, à mon arrivée à 7 heures le matin, se traîne à bout de force, au prix d’efforts désespérés, dans le couloir glacé, plein de courants d’air, et s’allonge juste devant le box de la mort ; pour elle, il n’existe aucun dieu, ni personne d’ailleurs, pour lui donner une petite tape pour l’aider. Avant tout, il faut traiter le reste des animaux prévus pour l’abattage.
Quand je quitte à midi, la vache est encore couchée et tressaille ; personne, en dépit d’instructions répétées n’est venu la délivrer. J’ai alors desserré le licou qui lui tranchait impitoyablement la chair et lui ai caressé le front. Elle m’a regardé avec ses grands yeux, et j’ai alors appris en cet instant que les vaches pouvaient pleurer ».
« Plus de la moitié du temps de stage est écoulée lorsque je pénètre enfin dans la halle d’abattage pour pouvoir dire : « j’ai vu ». Ici se termine le chemin qui débute à la rampe de déchargement. Le lugubre corridor sur lequel débouchent tous les enclos se rétrécit jusqu’à une porte ouvrant sur un box d’attente ayant une capacité de 4 ou 5 cochons. Si je devais décrire en image le concept de « peur », je le ferais en dessinant des cochons blottis les uns contre les autres contre une porte fermée, et je dessinerais leurs yeux. Des yeux que plus jamais je ne pourrai oublier. Des yeux que chacun d’entre nous qui veut manger de la viande devrait avoir regardé. Les cochons sont séparés à l’aide d’une trique en caoutchouc. L’un d’entre eux est poussé en direction d’un espace fermé de tous côtés. Il crie, et comme souvent le gardien a encore autre chose à faire, l’animal essaye de reculer et s’évader par l’arrière jusqu’à ce qu’enfin, à l’aide d’un clapet électrique, il puisse verrouiller l’issue. Par une pression sur un bouton, le sol de l’enclos est remplacé par une sorte de traîneau mobile sur lequel le cochon se retrouve à califourchon, ensuite une deuxième coulisse s’ouvre devant lui et le traîneau avec l’animal glisse vers l’avant dans un autre box. Là une brute de boucher chargé de l’abattage- je l’ai toujours appelé en moi-même Frankenstein- branche les électrodes. Une tenaille d’étourdissement à trois points, comme le directeur me l’a expliqué. On voit dans le box le cochon qui tente de se cabrer, puis le traîneau est brusquement retiré et la bête, palpitante, s’affaisse dans un flot de sang en agitant nerveusement les pattes. Ici l’attend une autre brute de boucher, qui sûr de sa cible, enfonce le couteau en-dessous de la patte avant droite du cochon ; un flot de sang foncé gicle et le corps s’affaisse vers l’avant. »
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